À quelles obligations légales doit-on se conformer dans le cadre de la gestion des documents et dossiers technologiques?

Déjà très présentes dans le quotidien de l’administration municipale et des citoyens, les technologies numériques en constante évolution transforment à un rythme exponentiel les processus de création, de réception, de conservation et de transmission de l’information et des documents.  À la fin de l’année 2017, le gouvernement du Québec annonçait les grandes lignes de sa stratégie de transformation numérique et c’est maintenant toute l’administration provinciale qui prend le virage, notamment en se mouvant vers une plus grande accessibilité des services au public via les technologies numériques.  Dans l’administration municipale, les documents naissent depuis longtemps déjà principalement sur support technologique, mais il demeure encore des réticences à conserver sur ce support d’information jusqu’au sort final des documents, en particulier pour certaines pièces à forte valeur.  Une incertitude est bien palpable sur les risques associés à la conservation numérique, mais surtout sur les aspects légaux qui la concernent.  Quelles sont donc ces obligations légales spécifiquement applicables qu’il nous faut connaître?

 

Tout d’abord, il faut savoir que les obligations légales qui s’appliquent sur les documents administratifs et d’archives sur support papier concernent aussi ceux qui se trouvent sur supports technologiques.  Les outils fondamentaux de la gestion documentaire, dont plusieurs sont visés par des obligations légales, doivent s’appliquer aux documents administratifs et d’archives de la municipalité peu importe le support sur lequel ils se trouvent.

 

La Loi sur les archives (chapitre A-21.1)

 

À l’article 6 de la Loi, il est indiqué que les organismes publics visés (dont les municipalités) doivent adopter une politique de gestion de leurs documents actifs et semi-actifs.  À l’article 7, il est aussi spécifié l’obligation d’établir et de tenir à jour un calendrier de conservation qui indique non seulement la durée de conservation des documents, mais aussi le support sur lequel ils sont conservés.  Ce calendrier doit être déposé à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en vertu de l’article 8.

 

BAnQ

Il va sans dire que si ces documents sont désuets et/ou qu’ils ne couvrent pas la gestion des documents sur support technologique, ils doivent être mis à jour.  Les règles de conservation modifiées ou refondues doivent, alors, être approuvées par BAnQ.  Il est aussi d’une logique naturelle qu’après leur adoption/approbation, ces documents doivent être appliqués aux documents administratifs et d’archives sur tous supports détenus par la municipalité.

 

Des détails additionnels pour le dépôt des calendriers de conservation et certaines questions relatives à la gestion des archives historiques sont inclus dans le Règlement sur le calendrier de conservation, le versement, le dépôt et l’élimination des archives publiques (chapitre A-21.1, r. 2)

 

La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1)

 

La Loi gouverne la gestion des renseignements personnels sur tous supports depuis leur cueillette ou création jusqu’à leur destruction, en passant par leur consultation, leur utilisation et leur transmission.  Des mesures de sécurité doivent être prévues pour tous les supports sur lesquels ces renseignements peuvent se trouver et pour les systèmes qui les hébergent ou participent à leur transit.  Les fichiers de renseignements personnels numériques doivent être inclus dans un inventaire (article 76).

 

L’article 16 de la Loi oblige les organismes publics à tenir à jour une liste de classement indiquant l’ordre selon lequel leurs documents sont classés.  Pour répondre à cette exigence, le plan de classification doit être appliqué aussi aux documents technologiques.

 

La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (chapitre C-1.1)

 

En plus de définir la notion de « document technologique », cette loi énonce les conditions de conservation d’intégrité d’un tel document tout au long de son cycle de vie.  Elle se penche sur l’encadrement du processus de transfert de support et sur la destruction des documents source suite à leur numérisation.  Elle relève la nécessité non seulement de mettre en place des mesures de protection d’intégrité et de pérennité offrant des garanties fiables pour les documents technologiques, mais également de documenter les dites mesures, les garanties, les processus et les transferts de supports effectués de manière à pouvoir attester de l’intégrité des documents numérisés et favoriser leur recevabilité juridique.

 

À l’article 20 de cette loi, il est aussi clairement énoncé que les documents à valeur historique (patrimoniale, archivistique) doivent être conservés sur leur support d’origine même s’ils ont été numérisés.  Ainsi, un tel document doit impérativement être archivé et conservé de manière permanente sur le support sur lequel il est né afin de préserver sa valeur archivistique.  Une organisation publique cherchant à diminuer massivement sa conservation papier devrait donc Légis Québecfaire naître et maintenir ses documents sur un support technologique de manière à pouvoir générer des archives numériques.   Toutefois, il faudra assurer la pérennité et la stabilité des supports et des formats, ce qui est un défi à relever.

 

Autres obligations légales et conclusion

 

Ces principales dispositions légales sont complétées par le contenu du Code civil (ccq-1991) qui, entre autres, encadre la constitution de dossiers sur une personne, l’intégrité et l’authenticité des documents, certains délais de conservation, … Ces règles, comme toutes les autres prescriptions légales en égard aux documents pouvant être incluses dans divers textes de lois et règlements (Loi sur les cités et villes chapitre C-19, Loi sur les impôts chapitre I-3, …), doivent être respectées aussi dans un environnement numérique.

 

Lorsque la municipalité prend le virage technologique, elle se doit d’embrasser toutes ses obligations et de gérer le changement pour que ses processus soient efficients, que l’information qu’elle détient soit sécurisée en tout temps et dans l’optique de contrôler les divers risques auxquelles elle est exposée.  Une bonne planification s’impose.